Cumul responsabilité/solidarité nationale (ONIAM)

Dans un arrêt du 30 mars 2011, le Conseil d’Etat a admis un cumul entre la responsabilité pour faute à l’origine de la perte d’une chance d’éviter un accident médical non fautif et la solidarité nationale. Il a été également confirmé que l’ONIAM n’indemnise pas les victimes par ricochet, sauf en cas de décès de la victime principale.

En l’espèce, Monsieur X a subi une endartériectomie de la carotide gauche. Suite à l’intervention, il a présenté une thrombose de la carotide gauche se manifestant par un accident ischémique transitoire entraînant des séquelles multiples. La nouvelle intervention permettant de remédier à cette thrombose n’est pratiquée qu’après que l’accident vasculaire cérébral se soit produit faisant perdre au patient une chance d’éviter ces conséquences dommageables.

Suite à sa saisie, la CRCI a estimé que le dommage devait être indemnisé par l’assureur du centre hospitalier à hauteur de 80 % et par l’ONIAM à hauteur de 20 %. Considérant les offres insuffisantes, Monsieur X a saisi le Tribunal administratif qui a condamné le centre hospitalier à verser une somme à hauteur de 80 % des préjudices et a mis l’ONIAM hors de cause, ce que la Cour administrative d’appel a censuré.

Le Conseil d’Etat a dû déterminer s’il était possible de cumuler une indemnisation au titre de la perte de chance d’éviter les conséquences d’un aléa thérapeutique et une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Dans un considérant innovant, le Conseil d’Etat a décidé que :

« si les dispositions du II de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique font obstacle à ce que l’ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d’un dommage en vertu du I du même article, elles n’excluent toute indemnisation par l’Office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d’un fait engageant leur responsabilité ; que dans l’hypothèse où un accident médical non fautif est à l’origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l’article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d’échapper à l’accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d’éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l’accident non fautif ; que par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l’ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l’article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l’indemnité due par l’ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l’ampleur de la chance perdue ; »

En vertu de l’article L. 1142-1 II du Code de la santé publique, l’ONIAM n’intervient qu’à titre subsidiaire. L’Office n’indemnise les victimes de dommage corporel que lorsque la responsabilité d’aucun professionnel ou établissement de santé n’est engagée et lorsque certaines conditions sont remplies et notamment une condition de gravité (25 % de déficit fonctionnel permanent).

Ainsi le Conseil d’Etat aurait pu considérer que la faute commise par l’établissement de santé, retard fautif dans la prise en charge postopératoire, empêchait que l’ONIAM indemnise les conséquences liées à la réalisation d’un aléa thérapeutique.

Néanmoins, ce ne fut pas sa position. En effet, le Conseil d’Etat a bien différencié les deux préjudices. Il y a d’une part, le dommage corporel lié à la réalisation de l’accident médical non fautif et d’autre part, la perte de chance d’éviter les conséquences liée à la faute commise par l’établissement de santé.

Dès lors, le Conseil d’Etat a procédé à un cumul entre l’indemnisation au titre de la perte de chance (faute) et l’indemnisation au titre de la solidarité nationale (aléa thérapeutique). La perte de chance est évaluée à 80 %, aussi l’indemnisation due par l’ONIAM sera à hauteur de 20 % pour que la victime voit ses préjudices intégralement réparés.

En outre, dans cet arrêt, le Conseil d’Etat a rappelé que sauf cas où la victime directe est décédée, les victimes par ricochet n’ont pas droit à indemnisation par l’ONIAM. Dès lors, « en mettant à la charge de l’ONIAM la réparation de 20 % des préjudices subis en propre par l’épouse à raison des séquelles dont reste atteint son époux, la Cour administrative d’appel a inexactement appliqué ces dispositions ».

Virginie RABY